Projet de loi de finances pour 2025
Réduction des dépenses de l’État, impôts exceptionnels sur les plus fortunés et les plus grandes entreprises, hausse de plusieurs taxes, niches fiscales supprimées, effort financier annoncé pour les collectivités locales… Voici les grandes orientations du projet de loi de finances qui prévoit de contenir le déficit public à 5% du PIB en 2025.
Le mardi 12 novembre 2024, l'Assemblée nationale a rejeté, en première lecture, la partie "recettes" du projet de loi de finances par 192 voix pour l'adoption et 362 contre. L'examen du texte s'arrête donc, l'ensemble du PLF étant considéré comme rejeté. Le gouvernement va transmettre son texte initial au Sénat, enrichi des amendements votés par les députés qu'il aura conservés.
Le projet du gouvernement
Le projet de loi de finances pour 2025 a été présenté à l’issue d’une procédure budgétaire retardée par la dissolution de l’Assemblée nationale le 9 juin 2024 et la démission du gouvernement. Le nouveau gouvernement entend faire évoluer son texte initial. Celui-ci ambitionne de redresser les comptes publics par des hausses de recettes fiscales de 19,3 milliards d’euros, des économies sur les dépenses de l’État de 21,5 milliards d’euros et une contribution des collectivités locales de 5 milliards d’euros. Le projet de budget de la sécurité sociale pour 2025 portera pour sa part près de 15 milliards d’euros d’économies. Le tout représente un effort de 60 milliards, soit 2 points de produit intérieur brut (PIB).
Le gouvernement table en 2025 sur une prévision de croissance de 1,1% (identique à celle de 2024) et sur une prévision d’inflation à 1,8% (contre près de 5% en 2023 et 2,1% en 2024). Il projette de ramener le déficit public à 5% du PIB en 2025. Ce dernier devrait atteindre 6,1% en 2024 (contre 4,4% initialement prévu par la loi de finances pour 2024). Pour 2029, l’exécutif s’est engagé à porter le déficit sous les 3%.
Les mesures concernant les particuliers
Le projet de loi prévoit l’indexation du barème de l’impôt sur le revenu sur l’inflation, afin de neutraliser ses effets sur le niveau d’imposition des ménages.
Les ménages les plus aisés seront redevables d’une contribution différentielle sur les plus hauts revenus. Cette contribution visera les personnes les plus riches (revenu fiscal annuel dépassant 250 000 € pour un célibataire et 500 000 € pour un couple), dont le taux d’imposition est en-dessous de 20%. Un peu plus de 24 000 foyers pourraient être concernés d’après les évaluations du ministère du budget. Ce dispositif s’appliquera durant trois ans et pourrait rapporter 2 milliards d’euros (Md€) en 2025.
En matière énergétique et de transports, plusieurs taxes sont rehaussées.
La TVA réduite sur les chaudières au gaz est supprimée. L’accise sur l’électricité (anciennement taxe intérieure de consommation finale sur l’électricité -TICFE) a été réduite de 2022 à 2024 pour faire baisser les factures d’électricité des ménages et des entreprises pendant la crise énergétique liée à la guerre en Ukraine. C’est ce qu’on a appelé le bouclier tarifaire sur l’électricité. La loi de finances pour 2024 a mis en oeuvre la sortie progressive de ce bouclier fiscal et acté sa fin au 1er février 2025 afin de ramener l’accise sur l’électricité à son niveau d’avant crise, à ses tarifs normaux. Le PLF modifie ces tarifs et prévoit qu’ils seront modulés par arrêté du ministre du budget d’ici le 1er février 2025. Une baisse de 9% des factures d’électricité est cependant garantie aux consommateurs au tarif réglementé de vente (TRV ou tarif bleu). La hausse de l’accise sur l’énergie doit engendrer 3 Md€ de recettes fiscales en 2025.
L’écotaxe (malus CO2 et malus au poids dit malus masse) sur les véhicules polluants est renforcée. 300 millions d’euros de recettes sont attendues à partir de 2026.
En matière de logement, le dossier de présentation du PLF précise que le prêt à taux zéro sera étendu sur tout le territoire pour les primo-accédants afin de faciliter l’accession à la propriété. Le projet de loi déposé au Parlement doit être amendé en ce sens par le gouvernement.
La fiscalité des locations de meublés est, par ailleurs, modifiée. Les contribuables relevant du régime de la location meublée non professionnelle (LMNP) peuvent déduire, sous certaines conditions, de leurs revenus locatifs imposables les amortissements liés à leur logement. Actuellement, ces amortissements ne sont pas pris en compte dans le calcul de la plus-value, en cas de revente. Cette niche fiscale est supprimée à partir du 1er janvier 2025. Cette mesure doit rapporter 200 millions d’euros.
Les mesures touchant les entreprises
Une contribution exceptionnelle sur les bénéfices des grandes entreprises est instituée temporairement. Elle ciblera les quelque 400 entreprises qui réalisent un chiffre d’affaires d’au moins 1 Md€ et sont redevables de l’impôt sur les sociétés. Cette nouvelle contribution devrait rapporter 12 Md€ (8 en 2025 et 4 en 2026).
De même, les grandes entreprises de fret maritime seront soumises à une taxe exceptionnelle. 800 millions d’euros de recettes fiscales sont attendues d’ici 2026.
Une taxe sur les rachats d’actions suivis d’une annulation sera par ailleurs mise en place pour les entreprises ayant un recours croissant à cette pratique et qui leur permet de distribuer une partie de leur excès de trésorerie à leurs actionnaires. Elle concernera les plus grandes entreprises dont le chiffre d’affaires dépasse 1 Md€, pour toutes les opérations de rachat d’actions menées à partir du 10 octobre 2024.
La suppression totale de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), qui devait être achevée en 2027, est reportée à 2030.
Un dividende exceptionnel sera demandé à EDF, qui est désormais détenu à 100% par l’État, dans le cadre du dispositif post-Arenh.
Plusieurs mesures pérennes visent à soutenir le monde agricole : renforcement de la déduction pour épargne de précaution, relèvement du taux d’exonération de taxe foncière sur les propriétés non bâties (TFPNB) en faveur des terres agricoles…
La réduction des dépenses publiques
Pour combler le déficit public, le gouvernement propose avant tout de réduire les dépenses. Sur le périmètre des dépenses de l’État, le projet de loi prévoit pour le moment une dépense totale sous norme de 490 Md€.
Un effort global de 21,5 Md€ est annoncé. 15 Md€ proviennent du gel de crédits ministériels à leur niveau de 2024.
Comme en 2024, l’enseignement scolaire (avec 64,5 Md€) et la charge de la dette (avec 61,3 Md€) sont les deux premiers postes budgétaires de l’État. Le budget de la défense s’établit à 50,5 Md€, conformément à la trajectoire de la loi de programmation militaire. Le budget de la justice s’élève à 10,2 Md€ (près de 500 millions d’euros de moins que ce qui est prévu par la loi de programmation). Les crédits de la mission « sécurités » du ministère de l’intérieur sont portés à 17,3 Md€ (+3,5%). Les crédits « travail, emploi » sont ramenés à 21,4 Md€ (- 2,35 milliards), avec une rationalisation des aides à l’apprentissage.
Côté effectifs, des emplois seront créés notamment à la justice et aux armées. Plusieurs ministères perdront des postes, comme l’éducation nationale, les ministères du budget et du travail. Au total, les effectifs de l’État et de ses opérateurs diminueront d’environ 2 200 en 2025.
Le gouvernement a précisé, qu’au cours de la discussion budgétaire, il rehausserait les budgets de la justice, de l’intérieur et du logement.
Un effort additionnel de 5 Md€ sera également introduit par amendements du gouvernement. 1,5 Md€ d’économies sera aussi imposé aux opérateurs de l’État.
Les mesures sur les collectivités locales
Le projet de loi prévoit une stabilité des concours financiers de l’État aux collectivités territoriales en euros courants. Ils s’élèvent à 53,5 Md€.
En 2025, les régions, les départements et les communes devront participer à l’effort budgétaire à hauteur de 5 Md€. Cette participation sera mise en œuvre au moyen de trois mesures inscrites dans le PLF. Un fonds de précaution pour les collectivités sera mis en place. Il sera alimenté par prélèvement sur les recettes des plus grandes collectivités, à l’exclusion des plus fragiles. Par ailleurs, le montant transféré de TVA aux collectivités sera gelé en 2025 à son niveau 2024, et le fonds de compensation de la TVA sera réduit.
L’examen du texte au Parlement
Les députés ont, en première lecture, rejeté la partie « recettes » du projet de loi. Ils l’avaient largement remaniée durant trois semaines en adoptant 472 amendements sur les quelque 3 500 déposés avant le début des débats.
Ils avaient élargi et pérennisé la nouvelle surtaxe sur les plus hauts revenus, renforcé l’exit-tax pour mieux lutter contre l’évasion fiscale à l’étranger, créé un nouvel impôt de 2% sur le patrimoine des milliardaires, dénommé « impôt Zucman » de même qu’une taxe exceptionnelle sur les superdividendes. En outre, le versement du crédit impôt recherche (CIR) avait été conditionné à l’interdiction pour les entreprises bénéficiaires de délocaliser leurs activités à l’étranger pendant dix ans. La taxe sur les surfaces commerciales avait été étendue aux très grands entrepôts.
L’amendement du gouvernement qui alourdit la taxe de solidarité sur les billets d’avion (TSBA) avait été adopté, mais modifié. La taxe avait été limitée à un an et ne devait pas concerner les liaisons avec les Outre-mer et la Corse.
Plusieurs amendements concernaient également le logement, notamment pour soutenir les locations non meublées (relèvement à 50% du taux d’abattement du régime micro-foncier pour les locations nues). D’autres permettaient de défiscaliser totalement les heures supplémentaires ou encore les pensions alimentaires reçues par le parent qui a la garde du ou des enfants.
Des allègements de TVA avaient été votés pour plusieurs secteurs économiques, de même que l’amendement du gouvernement qui prévoit d’exonérer de TVA certains produits de première nécessité (PPN) en Martinique et en Guadeloupe à titre expérimental jusqu’à fin 2027.
Plusieurs mesures phares du PLF avaient par ailleurs été rejetées : évolution de la taxe sur l’électricité, hausse des malus automobiles, suppression de la CVAE d’ici 2030, contribution exceptionnelle sur les bénéfices des grandes entreprises, prélèvement destiné à l’Union européenne (23 Md€)…
Le texte, tel qu’amendé par les députés, prévoyait une hausse d’impôts de 34,4 Md€ et un déficit du budget de l’État de 85 Md€ (contre 142 Md€ dans le texte initial), selon l’article d’équilibre aussi rejeté.
La partie « recettes » n’ayant pas été adoptée, l’examen du PLF s’arrête à l’Assemblée nationale. La partie « dépenses » ne sera pas débattue.
Le projet de loi va être transmis dans sa version initiale au Sénat, enrichi des éventuels amendements votés à l’Assemblée nationale que le gouvernement voudra conserver.
À noter : en prévision de la partie « dépenses » du PLF à l’Assemblée nationale, quelque 1500 amendements avaient déjà été déposés, dont plusieurs du gouvernement pour économiser 5 Md€ supplémentaires sur les dépenses de l’État. Dans cet objectif, le ministre de la fonction publique a annoncé vouloir porter de un à trois jours le délai de carence imposé aux agents publics en cas d’arrêt maladie et baisser le taux de remboursement du congé de maladie ordinaire à 90% au lieu de 100% actuellement.
Lors du Conseil des ministres du 23 octobre 2024, le Premier ministre a été autorisé à faire éventuellement usage de l'article 49.3 de la Constitution pour faire adopter sans vote le texte.
Source : www.vie-publique.fr
Article publié le 12 novembre 2024.