Curatelle, tutelle, mandat de protection future, habilitation familiale : comment y voir clair ?
La médiatisation de la mise sous protection juridique d’hommes publics, tels qu’Alain Delon ou Jean-Marie Le Pen, rappelle à chacun la vulnérabilité intrinsèque à sa condition humaine. Les aléas de la vie et, surtout le grand âge, sont susceptibles d’affecter les facultés d’une personne au point qu’une mesure juridique semble nécessaire.
Aujourd’hui, en France, plus de 700 000 personnes bénéficient d’une mesure de protection juridique destinée à les protéger, ainsi que leur patrimoine, lorsqu’elles sont en difficulté (altération des capacités physiques et corporelles) et qu’elles ont a besoin d’aide.
Curatelle renforcée pour Alain Delon, mandat de protection future pour Jean-Marie Le Pen, mais aussi tutelle ou habilitation familiale : quelles mesures existent, dans quelles conditions sont-elles ouvertes et quelles en sont les conséquences ? Nous faisons le point dans cet article.
Une raison médicale est nécessaire
Quelle que soit la mesure de protection juridique, celle-ci ne peut être prononcée que pour une raison médicale : la personne doit se trouver, selon le Code civil, « dans l’impossibilité de pourvoir seule à ses intérêts en raison d’une altération, médicalement constatée, soit de ses facultés mentales, soit de ses facultés corporelles de nature à empêcher l’expression de sa volonté ».
A l’inverse, une situation sociale compliquée, telle qu’une grande pauvreté ou une prodigalité excessive, ne suffit pas. La mesure doit donc être requise d’un point de vue médical. Elle est également subsidiaire : si un autre mécanisme de représentation, comme un mandat, ou les règles du mariage garantissent suffisamment les intérêts de la personne vulnérable, il ne peut être question d’envisager une mesure de protection juridique.
Ces principes de nécessité et de subsidiarité, dont le respect est contrôlé par le juge, sont essentiels car, bien que protectrices, les mesures juridiques portent atteinte aux libertés. Elles ont pour conséquence de limiter la pleine capacité juridique de la personne à accomplir seule des actes sur son patrimoine ou sa personne.
En raison de la gravité de leurs effets, les mesures doivent encore respecter les principes de proportionnalité et d’individualisation. Les mesures les plus respectueuses de la volonté de la personne et les moins attentatoires aux libertés doivent être privilégiées et le juge doit s’évertuer à faire du sur-mesure. À chaque personne, sa mesure.
Mandat de protection future, habilitation familiale, curatelle, tutelle…
La mesure qui est prioritairement envisagée est le mandat de protection future. Ce mandat est conclu par la personne elle-même de façon préventive.
En effet, chacun peut, dans un contrat notarié ou sous signature privée, organiser la protection qu’il souhaite le jour où ses facultés personnelles seront altérées et désigner la ou les personnes qui assureront cette mission.
Cependant, en pratique, le plus souvent, la personne fragilisée n’a pas, ou mal, anticipé sa protection. Dans ce cas, c’est vers le juge que la personne vulnérable ou son entourage se tourne. Après avoir échangé avec l’intéressé, pris connaissance de son environnement et vérifié la condition médicale ainsi que l’absence d’autres solutions moins contraignantes, le juge peut prononcer une mesure d’habilitation familiale, de sauvegarde de justice, de curatelle ou de tutelle.
L’habilitation familiale est une mesure relativement récente qui repose sur la confiance faite à la famille de la personne vulnérable. Elle est confiée à un membre de la famille, est peu contrôlée par le juge et n’est envisageable que si la famille est suffisamment unie. Lors du prononcé de la mesure, le juge nomme la ou les personnes de la famille en charge de la mesure et les pouvoirs exacts de celle-ci.
Article publié le 3 septembre 2024.